Lu Yu, « M’adonnant à la lecture »
« “le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise”, la tête blanche, est retourné dans son méandre de la rivière Shan
dans la solitude derrière mon portail rustique, les livres remplissent la maison
le potage de chénopode et la bouillie de blé refroidissent, je ne vais pas manger
lire les cinq tombereaux de livres réunis durant toute ma vie me comble
non sans grand peine je corrige les erreurs, efface et réécris
sur des mélodies tristes je fredonne des ballades poignantes
j’ai complété le catalogue des idéogrammes
même les interprétations mineures en langue étrangère, je note tout
parfois jusqu’à l’aube je n’éteins pas la lampe
la neige qui tombe drue frappe à la fenêtre “su su”
encore douze années avant que je n’atteigne l’âge de soixante-dix ans
peut-être y a-t-il quelques classiques perdus, quelques chapitres manquants à ajouter à ma collection
je ne crains pas que les visiteurs se moquent de ce fou des livres
c’est tout de même mieux que si les livres restaient tout neufs dans leur étui, sans que personne ne les touche »
Lu Yu
Le vieil homme qui n’en fait qu'à sa guise
traduit du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1995